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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 10:29

 

Revenant sur son enfance à New York dans les années 50, Georges Romero raconte: « Je savais qu’un gamin nommé Scorsese louait Les contes d’Hoffmann et Les Chaussons rouges et il savait qu’un gamin nommé Romero louait Les contes d’Hoffmann et Les Chaussons rouges, ça nous a fait rire quand on s’est enfin rencontrés, des années plus tard. »

 

Au-delà de l’anecdote, ce récit rend bien compte de l’empreinte durable du film de Powell et Pressburger sur le cinéma. Et si l’on a coutume de le présenter comme un chef-d’œuvre, c’est parce qu’en tant qu’œuvre absolue, il est devenu une référence.


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   En témoignent les nombreux emprunts dont il a été l’objet.

 

americain a parisDes emprunts que l’on peut identifier dès 1951, soit trois ans après sa sortie, chez Vincente Minnelli et Gene Kelly pour la conception du ballet central d’Un Américain à Paris. La quasi-contemporanéité de ces deux films donne d’ailleurs lieu à une sorte de surenchère. En effet, la MGM ne voulait pas faire moins que Les Chaussons rouges et son ballet de 17 minutes, ce qui a obligé Gerswhin à rallonger sa partition pour faire passer le ballet de 12, comme initialement prévu, à 16 minutes.americain-a-paris-2.jpg

 

Mais c’est surtout la génération suivante, celle du Nouvel Hollywood, qui clamera avec le plus de ferveur sa fascination pour le film.

 

Coppola, Scorsese, De Palma et Spielberg ont tour à tour déclaré que leur envie de faire du cinéma n’aurait sans doute pas été aussi définitive s’ils n’avaient pas vu Les Chaussons rouges.

 

Que ce soit dans le pastiche burlesque avec Phantom of the Paradise (Brian De Palma) qui rockifie la scène de l’audition ou de manière plus fidèle et littérale avec la scène du ballet dans Tetro de Coppola, tous ont rendu hommage au film qui marqua leur enfance.

 

 

 

 

Mais s’il fallait désigner un légataire testamentaire aux Chaussons rouges, c’est sans doute à Martin Scorsese que reviendrait ce rôle. De fait, le réalisateur n’a de cesse de déclarer son amour pour Les Chaussons rouges.

 

« Je me souviens de la première fois où j’ai vu le logo des Archers de Powell et Pressburger – les flèches qui atteignent la cible – en couleur: c’était un jour où mon père m’avait emmené voir Les Chaussons rouges à l’Académie de Musique de la 14e rue; j’étais bien sûr, comme hypnotisé. Jamais un film ne m’avait frappé aussi fortement jusque-là, sauf peut-être un autre, que j’avais également vu avec mon père, dans la même salle – Le Fleuve de Jean Renoir, qui comportait aussi une scène de danse.

Mais les scènes de danse des Chaussons rouges étaient extraordinaires; et je me souviens très bien m’être demandé comment ils avaient fait pour que Robert Helpmann se transforme en bout de papier journal dans le ballet du rêve. Mais ce qui m’attirait plus que tout, c’était le mystère, l’espèce d’hystérie du film qui, à l’époque, m’avait beaucoup choqué. »

 

C’est le personnage de l’impresario, l’ombrageux Lermontov et sa soif d’absolu, interprété par Anton Walbrook qui hante plus particulièrement Scorsese.

 

« Ce qui me plaisait, c’était la cruauté et la beauté de son personnage – surtout dans la scène où il casse le miroir, fou de rage contre lui-même. Je me suis même fait faire chez Berman & Nathan une chemise cosaque comme celle qu’il portait et je l’ai mise lors de la rétrospective de Michael Powell et d’Emeric Pressburger au Museum of Modern Art, en 1980.»

 

Plus tard, le réalisateur ajoutera qu’il a toujours gardé en mémoire la réponse de Victoria à Lermontov « Pourquoi tenez-vous à la vie ? » à la question « Pourquoi tenez-vous à danser ? »

 

 

 

   « Il exprime tellement l’incommensurable besoin d’art, et je me suis identifié à ce sentiment dès la toute première fois que j’ai vu ce film avec mon père. J’étais si jeune à l’époque. Cela m’a fait ressentir quelque chose en moi, une émotion puissante que j’ai vue chez les personnages à l’écran, et dans les couleurs, le rythme, l’expression de la beauté: dans la mise en scène.

Cette passion guide chaque instant extraordinaire des Chaussons Rouges, et c’est ce qui rend ces merveilleuses images en Technicolor si puissantes et touchantes, et dont la beauté étincelante est aujourd’hui pleinement restaurée. »

 

 

Une restauration qui, précisément, doit beaucoup à Martin Scorsese et à sa fondation dédiée à la préservation des œuvres du Patrimoine.CHAUSSONS RESTAU

Devenu très proche de Michael Powell jusqu’à sa disparition en 1990, Scorsese travaille aujourd’hui encore avec sa veuve, la monteuse Thelma Schoonmaker, et ce, depuis Raging Bull.

C’est d’ailleurs cette dernière qui mettait récemment en évidence le parallèle entre la descente précipitée des marches par Victoria (spoiler) avant qu’elle ne se jette sur la voie ferrée (fin du spoiler) et l’ascension tout aussi rythmée de l’escalier du phare par Di Caprio dans Shutter Island.

On pourrait multiplier les exemples de citations à l’envi puisque selon Thelma Schoonmaker, il y aurait des références aux Chaussons rouges dans tous les films de Scorsese.

 

Autre génération, autre style, Moulin Rouge de Baz Luhrmann multiplie lui aussi les emprunts au chef-d’œuvre de Powell et Pressburger. Outre les couleurs chatoyantes qui se mêlent à une esthétique gothique, l’intrigue repose sur les mêmes ressorts dramatiques: un jeune auteur tombe sous le charme d'une danseuse émérite/meneuse de revue pour laquelle il écrit un spectacle inspiré des contes d'Andersen/Bollywood mais leur amour est contrarié par la jalousie de l’impresario du Ballet/ entrepreneur de spectacle.

 

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Dernier en date venu grossir les rangs des films se référant aux Chaussons Rouges, Black Swan. Relations ambigües entre un metteur en scène et sa danseuse étoile, fin tragique, dilemme entre la vie et l’art, thématique du dédoublement de la personnalité…si Darren Aronowski ne reconnaît pas la filiation, prétendant qu’il ne l’a jamais vu avant de débuter le tournage de son propre film, les parallèles sont troublants.

 

 

 

 

    lermontov-vicky-2          discussion-cassel-portman-2

 

Au-delà du Cinéma, on retrouve de nombreux clins d’œil au film de Powell et Pressburger, notamment musicaux, comme l’album éponyme de Kate Bush ou l’invitation lancée par David Bowie dans Let’s Dance, « Let's dance, put on your red shoes and dance the blues ».

 

kate-bush-the-red-shoes

 Naturellement, le film a également donné lieu à de nombreux spectacles de danse parmi lesquels une comédie musicale écrite par le réalisateur de Chantons sous la pluie, Stanley Donen ou encore un ballet irlandais intitulé Diaghilev And The Red Shoes.

Plus près de nous, le chorégraphe Philippe Découflé rendait hommage à la grâce de Moira Shearer dans sa dernière création, Désirs, au Crazy Horse, rejoignant ainsi l’immense communauté des admirateurs du chef-d’œuvre de Powell et Pressburger. 

 

Les Chaussons rouges actuellement en DVD et BluRay

En vente sur CarlottaVOD ici

 

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commentaires

U
Ce serait vraiment bien si vous pouviez éditer en blu-ray, ou au moins en dvd, "Oh ! Rosalinda !" et "La Renarde" de Michael Powell.
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C
Bravo pour ce post très intéressant! L'édition Blu-Ray est somptueuse, indispensable! http://cinedingue.com/2011/10/28/critique-blu-ray-les-chaussons-rouges/
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